Par Jocelyn Girard
Président, Chapitre de Montréal
Association of Certified Fraud Examiners (ACFE)
Après deux ans de pandémie, notre société est à même de constater que les ajustements temporaires apportés à nos vies personnelles et professionnelles, génèrent certains changements qui pourraient demeurer. C’est aussi le cas dans le domaine de la fraude où les criminels qui se spécialisent dans les crimes basés sur l’identité, ont dû s’adapter à la disparition du service à la clientèle en présentiel. Les entreprises visées doivent donc optimiser leurs approches de détection de la fraude pour pouvoir faire face à ces nouvelles menaces virtuelles de plus en plus sophistiquées.
Heureusement, la biométrie offre la possibilité aux entreprises de reprendre le dessus dans cette confrontation. C’est le message que nous a lancé Simon Marchand, CFE, Adm. A, Chef de la prévention des fraudes chez Nuance Communications Inc. et spécialiste en sécurité biométrique. Lors de son passage comme conférencier au Chapitre de Montréal de l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE) en juin 2022, M. Marchand nous a démontré les avantages particuliers de l’utilisation de la voix comme outil d’identification biométrique et de prévention de la fraude.
D’abord, M. Marchand nous a expliqué que le vol d’identité a explosé durant la pandémie, les fraudeurs exploitant notamment la création des différents programmes d’aide financière gouvernementaux, dont la Prestation canadienne d’urgence (PCU). Dans la dernière décennie, le vol d’identité est aussi devenu un produit qui circule à travers une véritable chaine d’approvisionnement, où les acteurs se spécialisent dans un créneau en particulier. Il existe maintenant des pirates informatiques qui volent l’information, des intermédiaires qui revendent les données volées, et finalement des fraudeurs qui utilisent l’information pour soutirer illicitement des fonds. Ces derniers utilisent donc plusieurs méthodes pour sonder par téléphone et en ligne, les défenses des entreprises visées. M. Marchand décrit aussi l’apparition d’identités synthétiques, qui sont créées de toute pièce, et qui sont introduites progressivement sur plusieurs mois et à travers plusieurs appels ou courriels, pour éviter les soupçons. Malheureusement, toutes les mesures de protection sont basées sur des données personnelles des clients, qui sont évidemment corrompues. De plus, les mesures de doubles authentifications grandement répandues comme les messages SMS, sont aussi vulnérables à une interception malveillante.
Face à ces menaces, M. Marchand estime qu’il faut passer d’une approche basée sur l’information biographique d’une personne, à une approche basée sur les attributs biométriques pour confirmer l’identité. Mais quel attribut biométrique se prête le mieux à cette tâche et celui qui pourra être adopté avec un minimum de contraintes? M. Marchand fait valoir que l’utilisation de l’empreinte vocale permet de confirmer efficacement l’identité et d’éviter d’être berné avec l’information compromise.
Selon M. Marchand, les algorithmes disponibles maintenant permettent en quelques phrases, d’identifier un client basé sur le rythme, la vitesse, le ton, la syntaxe, le vocabulaire, l’accent et d’autres caractéristiques uniques à conversation de chaque individu. Il ne suffit que d’obtenir l’empreinte vocale d’un client lors d’un appel ou d’une rencontre initiale. M. Marchand affirme qu’il est même possible de détecter à travers une capture audio d’un interlocuteur, si celui-ci utilise un script de conversation pour tenter de contourner à grande échelle les mesures de détection de la fraude. De plus, une fois ce fraudeur détecté, il est possible de stocker et partager cette empreinte vocale pour enrayer d’autres tentatives de fraude de la part de cet individu ou encore de requérir sa présence en personne avec des pièces d’identité.
Quant aux enjeux légaux que soulèvent la capture d’une empreinte vocale, M. Marchand explique que chaque entreprise doit procéder à sa propre évaluation des règles auxquelles elles sont soumises, mais que la transparence avec les clients reste la meilleure manière d’obtenir une large adhésion à des services d’authentification biométrique. Comme il s’agit d’une mesure de protection simple et efficace, les clients sont généralement en faveur de la capture, qui leur permet aussi d’éviter d’avoir à répondre à une longue série de questions personnelles à chaque appel ou à avoir à se présenter en personne en succursale.
Dans la confrontation continue entre fraudeurs et entreprises, il semble que l’utilisation de technologies de confirmation de l’identité basée sur l’empreinte vocale, offre un avantage intéressant dans la lutte à la fraude. Ne soyez donc pas surpris si on vous demande un échantillon de votre voix lors de votre prochain appel : ce pourrait être la meilleure voie à prendre pour confirmer votre identité dans le futur, si ce n’est pas déjà le cas aujourd’hui.